Fort Boyard Challenge 2025: la recette d’un événement devenu légendaire

Les 4 et 5 octobre prochains, Fouras vibrera au rythme des pagaies à l’occasion du Fort Boyard Challenge 2025. Depuis près de vingt ans, ce rendez-vous nautique s’est imposé comme une référence, accueillant aujourd’hui la plus grande course de V6 d’Europe avec plus de cinquante pirogues attendues au départ. Si ce succès repose sur l’attrait du site exceptionnel entre marées, courants et la silhouette emblématique du Fort Boyard il doit surtout beaucoup à l’implication d’une équipe de passionnés. Derrière chaque parcours, chaque départ et chaque arrivée se trouvent des organisateurs engagés, véritables artisans de l’événement. Parmi eux, Pierre-Yves Chevalier, pionnier du va’a en Charente-Maritime, et Sébastien Ogier, directeur de course, assurent la continuité et l’exigence technique qui font la réputation du Challenge. Ensemble, ils incarnent l’esprit de cohésion et de passion qui anime cette épreuve hors du commun.

Salut Pierre-Yves et Sébastien, pouvez- vous nous parler de votre parcours, de vos différentes casquettes dans le monde du va’a et de votre rôle précis dans l’organisation du Fort Boyard Challenge ?

Pierre-Yves Chevalier :
Bonjour TotalPaddler ! Je me suis lancé assez tardivement dans les activités nautiques de pagaie, vers la trentaine d’années, au club de canoë-kayak du Pays Rochefortais, en 1995. Adepte du kayak de mer, j’ai rapidement pris des responsabilités au sein du club (secrétariat puis présidence en 1997) et débuté dans l’organisation de manifestations dont la Route des Forts dans l’estuaire de la Charente, qui est devenue un sélectif championnat de France de mérathon en 1999.

J’ai aussi pris des responsabilités au comité départemental (présidence 2000-2004) et régional (responsable commission mer). Un peu compétiteur aussi, j’ai participé au premier championnat de France de mérathon en 1999 à Brest. J’ai coordonné l’organisation du championnat de France Ocean Racing à Fouras, sur le site actuel du Fort Boyard Challenge, en 2005.

C’est entre autres ainsi que j’ai découvert le va’a et que je m’y suis ensuite intéressé de près. J’ai monté un dossier pour lancer l’acquisition de deux V6 au comité régional, entièrement subventionné. Les V6 sont arrivés en 2008 et, avec plusieurs personnes intéressées, nous avons créé le club de Châtelaillon Heke Moana Chatel. Avec ce club, nous avons organisé d’autres sélectifs Océan Racing et va’a, la Chatel Va’a Ré, le tour de l’île de Ré entre autres, et conçu les pirogues utilisées pour le Challenge interentreprises.
En 2010, à l’occasion de mon activité professionnelle sur l’île d’Aix, j’ai convaincu le maire que le va’a serait facile à intégrer au Fort Boyard Challenge créé en 2006.

Depuis l’intégration en 2012, j’ai été directeur de course va’a, garant de la réussite technique (parcours, règles, licences, sécurité, départs et arrivées, résultats, etc.). Depuis 2022, Sébastien a repris ce rôle, et je reste à ses côtés pour l’aider pendant le week-end.

Sébastien Ogier :
Avec un passif de touche-à-tout, j’ai pratiqué énormément de sports à différents niveaux. Commençant tout petit au Club Nautique Rochefortais par l’école de voile, j’ai été jusqu’à pratiquer des sports américains.

Le sport est un formidable outil d’ouverture culturelle : il m’a permis de découvrir la culture polynésienne lorsque je pratiquais du rugby national militaire, sport dans lequel nombre de Polynésiens se retrouvent. Après une pause de quelques années à la suite d’un accident en mission, c’est dans une salle de musculation à Rochefort que j’ai croisé la route d’Auguste Tahuhuterani, qui en 2018 était en train de monter une section de pirogue au CNR avec Pierre-Yves.

Mon histoire avec le Fort Boyard Challenge a commencé par deux participations en tant que rameur. J’ai ensuite eu l’occasion d’appuyer Pierre-Yves en tant que directeur adjoint de course. Aujourd’hui et depuis 4 éditions, je suis directeur de course. Comme j’ai une formation de plongeur-sauveteur à la sécurité civile, je prends naturellement en charge la direction de course de mon bateau, appuyé à terre par Pierre-Yves.
En outre, depuis octobre 2024, nous développons le club Rochefort Océan Va’a avec l’objectif de participer à l’ensemble des compétitions sur le territoire et surtout d’aligner nos pirogues pour le mythique Fort Boyard Challenge.

Le Fort Boyard Challenge est devenu la plus grande course de V6 en France et même en Europe en termes de participation. Cette année encore, vous battez un record avec 50 pirogues au départ. À ton avis, qu’est-ce qui explique un tel succès ?

Pierre-Yves Chevalier :
Plusieurs facteurs sont à prendre en considération et liés à l’organisation et au site.
Côté site et parcours, le plan d’eau est riche et permet de varier les tracés et de s’adapter aux conditions du moment (marée, météo), tout en restant accessibles au plus grand nombre.

L’organisation, portée par la Communauté d’agglomération Rochefort Océan, est de grande qualité, avec des moyens humains, matériels et financiers supérieurs à un championnat de France. Les équipages l’ont bien compris et sont devenus fidèles.
Enfin, avec le nombre croissant de pirogues, chacun trouve une confrontation sur l’eau, que ce soit pour le podium ou les places suivantes. C’est motivant et rare sur d’autres courses.

Sébastien Ogier :
À mon sens, il y a plusieurs raisons :

1. Une explosion de la discipline va’a en France, avec de nouveaux clubs qui se créent chaque année.
2. Cette compétition a gagné sa place comme épreuve phare de la discipline, très appréciée des compétiteurs.
3. C’est une super course, grâce à un mélange de bénévoles, de passionnés et de la Communauté d’Agglomération Rochefort Océan comme chef d’orchestre.

Comment la discipline de la pirogue polynésienne a-t-elle trouvé sa place à Fouras et sur le Fort Boyard Challenge en particulier ?

Pierre-Yves Chevalier :
C’est le fruit de rencontres et d’échanges avec des élus et techniciens motivés, mais aussi d’autres disciplines en quête de reconnaissance et de directeurs de course partageant les mêmes problématiques. L’état d’esprit du va’a, ses valeurs et ses éléments culturels ont facilité cette intégration.

Sébastien Ogier :
Cette question est à poser aux pionniers de l’événement. Je n’ai connu les premières années que comme jeune spectateur.

 Tu es en charge des parcours : quels tracés as-tu préparés pour cette édition et comment élabores-tu ces choix en fonction du site et des conditions ?

Pierre-Yves Chevalier :
Je connais le site et ses spécificités depuis longtemps et je le parcours encore régulièrement en V1. Avec Sébastien, nous essayons d’apporter chaque année des originalités, surtout le premier jour, mais il y a plusieurs impératifs : passer au Fort Boyard et rester dans le périmètre couvert par la sécurité. La marée et la météo complètent l’équation. Les parcours 2025 seront assez semblables à ceux de 2024.

Sébastien Ogier :
Les parcours sont étudiés en binôme puis validés avec l’organisation et la sécurité pour coordonner les trois disciplines. J’ai appris auprès de Pierre-Yves, qui connaît parfaitement le plan d’eau. En tant que rameurs, nous pouvons aussi adapter les tracés selon la météo et les aléas.
Cette année, le samedi sera technique, avec beaucoup de travail pour les peperu (barreurs n°6), de grosses relances et un bon cardio.
Le dimanche, c’est le parcours mythique autour de l’île d’Aix avec passage au Fort Boyard. C’est devenu incontournable : les rameurs espèrent tous passer près du Fort.

 Quelles sont les spécificités du plan d’eau autour de Fouras et du Fort Boyard ? Quels défis particuliers les conditions météo et maritimes imposent-elles aux équipages et à l’organisation ?

Pierre-Yves Chevalier :
Marées, courants, hauts-fonds, plan d’eau vite agité malgré la protection des îles, marques de passage qui sont souvent des ouvrages de signalisation maritime, sans oublier le trafic de cargos vers Rochefort et Tonnay-Charente.

Sébastien Ogier :
Nous avons un plan d’eau magnifique avec de nombreuses marques naturelles, mais aussi des spécificités techniques : hauts-fonds, parcs à huîtres, embouchure de la Charente avec fort débit, trafic maritime et cargos.
Nous utilisons un dispositif de suivi par trackers GPS et communication en temps réel entre direction de course et sécurité. Cela renforce la réactivité et la sécurité des coureurs.

Aujourd’hui, le Fort Boyard Challenge met en avant uniquement la V6. Pourquoi ce choix ? Peut-on espérer voir dans les prochaines années d’autres formats comme la V1, l’OC1, l’OC2 ou même le surfski ?

Pierre-Yves Chevalier :
Le choix du V6 vient du souhait d’avoir un support collectif, en complément des disciplines individuelles (windsurf, SUP). J’y crois davantage car l’esprit d’équipe véhicule des valeurs fortes, et cela crée un lien avec les grandes épreuves du Pacifique et de Polynésie française, berceau du va’a.

Sébastien Ogier :
Depuis le début, le choix du V6 a été fait par les organisateurs, et je pense que c’était le meilleur. Cela complète parfaitement les disciplines individuelles (SUP et windsurf). Le V6 véhicule des valeurs de cohésion. Comme l’explique notre ami Francky dans son haka avant chaque course, en Polynésie, c’est en groupe que l’on part au combat.

Pour conclure, quel message aimerais-tu adresser aux rameurs et au public qui suivent cette nouvelle édition du Fort Boyard Challenge ?

Pierre-Yves Chevalier :
Merci à tous les rameurs et clubs fidèles, ainsi qu’aux nouveaux venus. C’est toujours un plaisir d’échanger avec eux et de recueillir leurs avis pour améliorer l’épreuve. Merci aussi au public, toujours nombreux et enthousiaste. Le parcours du samedi a été pensé pour qu’il puisse suivre la course presque en intégralité depuis la plage et encourager les équipages.

Sébastien Ogier :
Manava et māuruuru (bienvenue et merci en tahitien). Bienvenue aux mordus de sports nautiques, merci au public fidèle et chaleureux, et aux rameurs réguliers comme aux nouveaux. Un remerciement spécial aux équipes allemandes et suisses, qui malgré la distance viennent partager cette belle édition.
Rendez-vous les 4 et 5 octobre pour vibrer ensemble, voir le haka et la prière traditionnelle repris par 300 rameurs prêts à en découdre avec les éléments.

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